Cette troisième saison, mise en ligne par la plateforme de streaming le 22 juillet 2016, fait office de dernier volet d’une trilogie qui a décomposé la recherche du bonheur en plusieurs étapes. D’abord, BoJack est un raté qui n’arrive pas à retrouver du travail. Ensuite, on lui propose le rôle de ses rêves dans un "film à oscar" mais il réalise que cette opportunité ne parvient pas à le guérir de sa solitude maladive. Puis nous est présentée, cette année, la preuve ultime de l’incurabilité de ce cheval cynique ; son talent d’acteur est reconnu, mais il continue de se noyer dans l'alcool, les drogues et les relations néfastes, sans parvenir à profiter de l’instant présent. Alors quoi ?
Comme tous les éternels insatisfaits, BoJack déplace l’objet de sa convoitise sur autre chose : ce sera la course à l’oscar, qui nous tiendra en haleine une bonne partie de la saison. Jusqu’à prendre fin dans l’absurdité la plus complète, lorsque l’on apprend qu’il y a eu erreur sur les nominations et que le célèbre cheval ne comptait même pas parmi les prétendants au titre.
"Il y aura plein de gens autour de moi quand je me suiciderai"
La série de Netflix a ce don pour bousiller ce qui est sacré. Les relations amoureuses finissent toujours dans la déception, les attentes professionnelles se fracassent contre un mur d’hypocrisie ou d’incompétence, les amitiés font rarement long feu. "Voilà ce qu’il va se passer", lui lance Diane – habilement surnommée la "Daria asiatique" en référence à l’héroïne de dessin animé sarcastique éternellement marginalisée.
«Tu vas gagner cet oscar, prononcer ton discours, et tu rentreras chez toi. Et tu te sentiras tellement misérable que tu voudras te suicider. Et il n’y aura plus personne pour t’arrêter. »
BoJack, entouré d’inconnus venus profiter de la fête qu’il organise chez lui et qui scandent son nom, se défend alors avec la pire des réparties : "Personne ne sera là quand je me suiciderai ? Ecoute Diane ! Ecoute-les chanter ! Il y aura plein de gens autour de moi quand je me suiciderai!", hurle-t-il fièrement avant de marquer une pause et fixer le sol d’un air abattu.
Entre mise en abyme et renouveau
Cette troisième saison signe définitivement la fin des épisodes unitaires de la série. Si on pouvait encore se contenter de picorer les épisodes deci delà l’année dernière (tout en suivant la chronologie de la saison), ce troisième volet a de toute évidence été conçu pour être binge-watché. En témoigne cette toute fin d’épisode 5 où Diane lâche le début d’un "putain de…" ("Motherf..."), tandis que le sixième débute par la fin de sa phrase ("...ucker"). L’insatisfaction des personnages fait office de fil rouge de ce conte moderne ; "tu idolâtres ta tristesse", envoie ainsi BoJack à Diane sans comprendre que la phrase peut s’appliquer à tout son entourage.
tte saison séduit par ses propositions de narration audacieuses, venant apporter encore plus de profondeur à des personnages auxquels on s'attache tous, sans exception. Si BoJack est le plus fouillé de tous, hanté par certains de ses actes, son sentiment d'imposture et sa profonde tristesse, il faut bien reconnaître que Princess Carolyn, Mr. Peanutbutter, Todd et Diane confirment leur importance au sein d'une série toujours beaucoup plus intelligente et bouleversante qu'elle ne veut bien le laisser paraître. En dépit de son univers anthropomorphique, la série semble être plus proche de nous que jamais, atteignant des sommets d'émotion lorsqu'elle parle de la dépression, de la remise en question et de la quête du bonheur. Se visionnant avec un délice total, baignée dans une bande-originale particulièrement soignée (on a encore en tête celle de l'épisode muet), riche en idées aussi bien scénaristiques que de mise en scène), cette saison de haut vol confirme le caractère unique de la série qui se savoure décidément avec un plaisir rare et unique.