L'élégance et la frivolité du rococo
C'est vers 1725-1730 que s'opéra un nouveau changement de goût, qui devait se traduire par l'épanouissement, en France, du genre pittoresque ou style rocaille, dont le rococo doit être considéré comme l'expansion internationale. Le style rocaille, également connu sous le nom de rococo, est un mouvement artistique qui s'est développé en France au début du XVIIIe siècle, plus précisément sous le règne de Louis XV (1715-1774). Ce style est né dans un contexte de changement social et politique important, le rocaille mouvement extrêmement violent qui répond à une époque extrêmement violente elle aussi.
Epoque caractérisée par un changement de pouvoir: L'arrivée au pouvoir de Louis XV marque un tournant dans l'histoire de la France, non seulement sur le plan politique, mais aussi culturel et social, et puis, une époque torturée par la révolution française (Grande terreur). Déplacement du centre artistique: Le régent, le duc Philippe d'Orléans, quitte Versailles pour Paris, qui redevient le centre artistique français par excellence. On reconnaît une aspiration à plus de liberté, la cour se libère de la discipline et de l'étiquette contraignante imposée par Louis XIV, aspirant à une vie plus légère et à plus de liberté.
Un goût prononcé pour le raffinement: Le style rocaille est le fruit d'une inclinaison accrue des élites pour un art de vivre raffiné. On y retrouve une influence des ornemanistes: Le style naît chez les ornemanistes (les décorateurs d'intérieur de l'époque) qui créent un nouveau décor exubérant dans les hôtels et les riches demeures parisiennes. Ce contexte a favorisé l'émergence d'un style caractérisé par la légèreté, la frivolité, la lumière et la transparence, cherchant à refouler les angoisses d'une société en mutation. Le rococo s'est rapidement répandu dans les arts décoratifs, la peinture, la sculpture et l'architecture, marquant une rupture avec le style baroque plus majestueux qui l'avait précédé.
Le mot Rococo était utilisé au départ dans le jargon des artistes et avait plusieurs sens ainsi ça va décrire ce qui était jugé grotesque absurde et de mauvais goût, ensuite le terme prend une connotation sémantique différente et décrit ce qui paraît médiocre, désuet et réactionnaire, ainsi au départ le terme désigne une posture idéologique indissociable des mutations politiques et institutionnelles dans une période troublée par la révolution française.
Le terme intègre officiellement la langue en 1842 dans un article intitulé “Rococo” paru dans le complément du dictionnaire de l’académie française. “Il se dit trivialement du genre d’ornement de style et de dessin qui appartient à l’école du règne de Louis XV et du commencement du règne de Louis XVI. Le genre Rococo a suivi et précédé le Pompadour qui lui-même n’est qu’une nuance du Rococo. Il devient alors une catégorie stylistique neutre en apparence associé aux formes des œuvres produites sous le règne de Louis XV et Louis XVI.”
Le style rococo, marqué par un air léger, tantôt sentimental, tantôt sensuel, se caractérise par un goût effréné pour les formes torturées, déchiquetées et asymétriques, les courbes et les contre-courbes, les ornements d'inspiration naturaliste, les minéraux, les coquillages, les animaux et les végétaux. La figure humaine occupe aussi une place importante. Il s'agit d'un nouveau répertoire iconographique inspiré de la nature.
Le mouvement Rocaille conteste les valeurs versaillaises, et en tant que mouvement de modernité, il s’inscrit en opposition au rocaille plus orthogonal et géométrique. Le style rocaille ou Rococo se distingue par des caractéristiques comme l'ornementation naturaliste, des formes asymétriques, des lignes courbes et sinueuses, et une polychromie délicate.
Le rocaille est également présent dans l'architecture, avec des formes courbes et des ornements naturalistes. En mobilier, on retrouve des meubles galbés avec des pieds chantournés et des marqueteries délicates. En peinture, on voit un développement de genres comme la fête galante par Watteau et la pastorale par Boucher, mettant en scène des sujets légers et élégants.
Les Hasards heureux de l'escarpolette, Jean-Honoré Fragonard, 1767-1769
*Les Hasards heureux de l’escarpolette*, peint entre 1767 et 1769 par Jean-Honoré Fragonard, incarne parfaitement l'esprit du Rococo avec sa scène galante et sensuelle. Une jeune femme se balance joyeusement, tandis qu'un homme caché dans les buissons observe discrètement. L'atmosphère légère et pleine de charme est renforcée par les couleurs vives et les détails délicats, typiques du style rocaille. Selon Yuriko Jackall, conservatrice en chef de la Wallace Collection, cette œuvre est le « plus grand tableau rococo », représentant à la fois l'élégance frivole et la séduction subtile caractéristiques de cette époque.
L’Embarquement pour Cythère, Jean-Antoine Watteau, 1717
L’iconicité de l’œuvre : personnages dans un paysage, des couples sur l’île de Cythère (île de l’amour) qui portent quelques offrandes, sorte de bateau doré avec des putti (angelots grassouillets). Fait rupture, peinture inclassable (allusion antique à Vénus), thématique à la mode avec l’île de Cythère (couples découvrent leurs sens, perdent leur virginité…) mais dérange, pas une peinture d’histoire avec personnages très contemporains, forme de vêtements du début XVIII interrogation du genre de l’œuvre.
Le Verrou, Jean-Honoré Fragonard, 1777
Jean-Honoré Fragonard (1732–1806) est l'un des peintres emblématiques du style rococo en France. Connu pour ses œuvres sensuelles et élégantes, il excelle dans les scènes intimes, galantes et bucoliques, caractérisées par des couleurs vives, des compositions dynamiques et une atmosphère de légèreté. Le Verrou, peint vers 1777, est une œuvre évocatrice et mystérieuse. Elle représente un couple dans une scène passionnée où l'homme ferme un verrou sur une porte, suggérant un moment d'intimité ou de désir. La lumière douce et la palette chaude renforcent l'intensité émotionnelle, tandis que la gestuelle et les drapés reflètent l'exubérance typique du rococo. Cette peinture est souvent interprétée comme une allégorie de l'amour et de son urgence.
La Naissance de Vénus, Jean-Honoré Fragonard, 1753-1755
La Naissance de Vénus de Jean-Honoré Fragonard, réalisée vers 1750, est une œuvre baroque qui illustre le mythe de la naissance de la déesse Vénus. La scène représente Vénus, émergeant de la mer, entourée de divinités et de symboles d’amour et de beauté. L'œuvre est caractérisée par sa fluidité, ses couleurs lumineuses et son mouvement dynamique. Fragonard, avec sa maîtrise du pastel et de la lumière, crée une atmosphère éthérée et sensuelle. Cette œuvre illustre parfaitement l’esprit du XVIIIe siècle, alliant mythologie, sensualité et raffinement.
Les Quatre Saisons, Francois BOUCHER, pour la marquise de Pompadour, 1755
Les *Quatre Saisons* de François Boucher illustrent l’idéalisation de la nature et la sensualité caractéristiques de son style. Chaque tableau représente une saison à travers des figures féminines et des éléments naturels, baignés de lumière douce et de couleurs pastel. Les personnages sont souvent dépeints dans des poses gracieuses et des vêtements légers, soulignant la recherche du plaisir et de la beauté visuelle. Les scènes sont pleines de charme et de légèreté, où la beauté de la nature et des figures humaines se fond harmonieusement dans un équilibre décoratif.
L'Odalisque, Francois BOUCHER, 1745
Architecte français représentatif de la transition entre l'école classique et l'invention rocaille, Pierre Alexis Delamair construit à Paris des hôtels particuliers : de Duras (détruit) et de Chanac-Pompadour, richement décoré (rue de Grenelle). En 1700, il commence l'hôtel de Rohan, dans le Marais et poursuit, en 1704, la construction voisine de l'hôtel de Soubise où la cour monumentale maintient la tradition du grand genre, tandis que l'intérieur, décoré avec Boffrand, est l'un des décors les plus aboutis de la Régence.
Le Triomphe de Vénus, François Boucher, en 1740
Le *Triomphe de Vénus* de François Boucher représente la déesse de l'amour et de la beauté dans une scène pleine de sensualité et de raffinement. Cette œuvre illustre la victoire de Vénus, entourée de putti (petits enfants ailés) qui la couronnent et l'accompagnent dans une célébration joyeuse. La composition est marquée par des couleurs douces et des mouvements gracieux, caractéristiques du style rococo. Le traitement des corps, à la fois voluptueux et idéalisés, et l'atmosphère légère et festive, reflètent l'optique du XVIIIe siècle, axée sur le plaisir visuel, l'élégance et l'ornementation. C'est une œuvre qui célèbre l'amour et la beauté dans un contexte allégorique, avec une touche de légèreté et de fantaisie typique de Boucher.
Chateau de Chantilly, Aubert Jean, 1720-35
Jean Aubert, ancien collaborateur d'Hardouin-Mansart perpétue la tradition de grandeur de l'école française tout en exprimant les inventions et le raffinement de l'art rocaille. Moins célèbre que les architectes de Louis XV, Jean Aubert crée pourtant l'un des édifices majeurs de l'architecture du xviiie siècle : les écuries de Chantilly (1719-1740), « palais de la chasse », édifié pour les Bourbon-Condé. Pour eux et leur entourage, il réalise l'essentiel de son œuvre : appartement rocaille du petit château de Chantilly ; il achève après 1726 à Paris, avec Jacques V Gabriel, le palais Bourbon et l'hôtel de Lassay voisin. Le même style élégant et structuré se retrouve sur les façades de l'hôtel Peyrenc de Moras (actuel musée Rodin) et des bâtiments conventuels de Chaalis reconstruits en 1739.
Cabinet de Mr le Compte Bielinski, MEISSONNIER, Juste-Aurèle, issu de "Oeuvres de Juste-Aurèle Meissonnier", 1742–48
Né à Turin de père provençal, Meissonnier s'établit jeune à Paris, devenant en 1724 orfèvre du roi aux Gobelins, puis dessinateur de la chambre royale en 1726. Son style évolua rapidement : en 1725, ses créations restent symétriques, mais dès 1728, ses œuvres, comme un chandelier en argent, adoptent des motifs asymétriques. Inspiré par le style auriculaire hollandais d'Adam van Vianen, Meissonnier popularisa les éléments du style rocaille (coquilles, enroulements brisés, cartouches asymétriques) grâce à son **Livre d'ornemens** publié en 1734. Bien qu'il ait surtout produit des dessins et projets, souvent réalisés par Duvivier, son audace inventive fit de lui un des pionniers du style rococo, malgré des projets d'architecture rarement exécutés, comme celui pour Saint-Sulpice.
Hôtel de Soubise Paris, DELAMAIR, Pierre-Alexis, 1710
Architecte français représentatif de la transition entre l'école classique et l'invention rocaille, Pierre Alexis Delamair construit à Paris des hôtels particuliers : de Duras (détruit) et de Chanac-Pompadour, richement décoré (rue de Grenelle). En 1700, il commence l'hôtel de Rohan, dans le Marais et poursuit, en 1704, la construction voisine de l'hôtel de Soubise où la cour monumentale maintient la tradition du grand genre, tandis que l'intérieur, décoré avec Boffrand, est l'un des décors les plus aboutis de la Régence.
Pot à café, François-Thomas Germain
GERMAIN François-Thomas, Terrine and salver, Silver gilt, 36 x 59 cm, 1758-59, Museu Calouste Gulbenkian, Lisbon
François-Thomas Germain (1726-1791), doté d'une virtuosité technique héritée de son père, développe un style rocaille et un naturalisme marqués. Il reçoit des commandes prestigieuses, comme la vaisselle du roi de Portugal (salières aux enfants indiens, saucières ornées de céleri, cloches en feuilles de chou, salière d'or aux poissons et coquilles, conservées en partie au musée d'Art ancien de Lisbonne) et le service dit de Paris pour la tsarine Élisabeth (partiellement à l'Ermitage). Malgré son talent et son goût sûr, sa carrière est brisée par une retentissante faillite en 1765.
Sucrier, François Joubert
Les grands orfèvres français de la période sont innombrables : citons, à Paris, Thomas et François Thomas Germain, Antoine Sébastien Durand, les Balzac, les Cousinet, François Joubert, les Roettiers ; à Toulouse : les Sanson et les Vinsac ; à Strasbourg : Jacques Henri Alberti ou Jean Henry Oertel. La renommée de l'orfèvrerie française est alors si grande que leur clientèle est internationale : les souverains de l'Europe entière leur passent commande sur commande, ainsi Jean V et Joseph Ier de Portugal, Pierre le Grand puis Élisabeth de Russie, Philippe V d'Espagne, Frédéric V de Danemark... Les ensembles conservés à Lisbonne, Copenhague et Saint-Pétersbourg compensent dans une certaine mesure l'anéantissement précoce des commandes de Louis XIV et de Louis XV, fondues à la Révolution. Par comparaison, la production des orfèvres anglais (Paul de Lamerie), allemands, italiens ou espagnols, quoique non négligeable, paraît quelque peu éclipsée.
A pair of library cabinets (bibliothèques) Bernard II. van Risenburgh, called B.V.R.B., Paris, Louis XV period, c. 1755
La dynastie des Van Risenburgh, d'origine hollandaise, est une famille d'ébénistes parisiens active du début du XVIIIe siècle jusqu'en 1775. Les œuvres les plus célèbres sont celles des deux derniers membres, Bernard II et Bernard III, marquées du sigle B.V.R.B., identifié par J.-P. Baroli. Ces ébénistes travaillaient principalement pour des marchands merciers tels qu'Hébert, Poirier et Lazare Duvaux, qui leur commandaient des meubles en laque, vernis ou marqueteries florales. Ces créations exceptionnelles se distinguent par des formes élégantes, des marqueteries variées et des ornements en bronze inventifs, alliant légèreté et motifs rocaille imposants. Elles incarnent l'apogée du style rocaille.
Bureau de dame par Bernard II van Risenburgh. Marqueterie de tulipier et de bois de rose, et bronzes dorés à l'or moulu (bronzes dorés au mercure et au feu). Environ 1750. Partridge Fine Arts, Londres.
La Machine d'Argent, François-Thomas Germain, 1754
Paire de salière, François-Thomas Germain
Prix de course, Antoine Sébastien Durand
Les grands orfèvres français de la période sont innombrables : citons, à Paris, Thomas et François Thomas Germain, Antoine Sébastien Durand, les Balzac, les Cousinet, François Joubert, les Roettiers ; à Toulouse : les Sanson et les Vinsac ; à Strasbourg : Jacques Henri Alberti ou Jean Henry Oertel. La renommée de l'orfèvrerie française est alors si grande que leur clientèle est internationale : les souverains de l'Europe entière leur passent commande sur commande, ainsi Jean V et Joseph Ier de Portugal, Pierre le Grand puis Élisabeth de Russie, Philippe V d'Espagne, Frédéric V de Danemark... Les ensembles conservés à Lisbonne, Copenhague et Saint-Pétersbourg compensent dans une certaine mesure l'anéantissement précoce des commandes de Louis XIV et de Louis XV, fondues à la Révolution. Par comparaison, la production des orfèvres anglais (Paul de Lamerie), allemands, italiens ou espagnols, quoique non négligeable, paraît quelque peu éclipsée.
Henrich Wölflin, pour lui, le rococo n’apparaît que comme une nuance du baroque, avis controversé. Car au contraire depuis 1950 d’autres l'ont considéré comme une catégorie de style indépendante.
Dans un livre intitulé The création of the Rococo, 1943, Fiske Kimball fait remonter l’origine du phénomène au 17e siècle. Plusieurs auteurs ont vu dans le style une incarnation par excellence de l’esprit du temps. Il s’agit là d’un postulat essentialiste consistant à penser que chaque période serait réductible à son essence.
Une réflexion intéressante sur le mouvement rocaille nous vient de l'esthéticien belge Philippe Minguet, qui a réalisé l'étude la plus complète sur la signification idéologique, historique et esthétique de ce mouvement artistique. Selon Minguet, le rococo représente le langage d'une époque consciente de sa gloire à jamais passée et de son déclin. Cette analyse met en lumière la complexité psychologique et sociale derrière l'esthétique rocaille. Minguet suggère que l'art rococo cherchait à "refouler les angoisses d'une société sous des apparences de légèreté, de gaieté, de lumière et de transparence". Cette interprétation révèle une dimension plus profonde du mouvement, au-delà de sa simple expression artistique. La réflexion de Minguet souligne le contraste entre l'apparence frivole et joyeuse du style rocaille et les inquiétudes sous-jacentes d'une société en mutation. Elle nous invite à considérer le rococo non seulement comme un mouvement artistique, mais aussi comme un reflet des préoccupations et des aspirations d'une époque particulière de l'histoire française.